Reprendre en main notre industrie pour construire un avenir durable

Khalil Laabidi
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Et si le renouveau de notre économie passait par nos usines ? Redonner du souffle à notre industrie, c’est redonner un avenir à toute l’économie tunisienne. Derrière les machines, les usines et les zones industrielles, il y a des emplois, de l’innovation, et une chance de reprendre en main notre destin économique.

L’industrie a longtemps été l’un des moteurs de l’économie tunisienne. Textile, agroalimentaire, chimie, électronique, TIC : au fil des décennies, de nombreux secteurs se sont développés, attirant des investissements étrangers, créant des emplois, et réduisant la dépendance du pays à l’agriculture.

Mais aujourd’hui, l’enjeu est tout autre : il ne s’agit plus seulement de produire, mais de moderniser. Car une industrie moderne, innovante et bien équipée est indispensable pour relancer l’économie tunisienne, créer des emplois durables, gagner en autonomie face aux importations, et s’intégrer dans les marchés mondiaux.

Cette modernisation est une priorité stratégique pour garantir un développement économique durable et renforcer la souveraineté du pays.

Comprendre l’histoire pour mieux avancer

Depuis l’indépendance, la Tunisie a suivi plusieurs grandes étapes pour développer son industrie :

  • Années 1960-1980 : L’ère des pionniers – produire tunisien. L’État crée des zones industrielles, protège les industries naissantes et accorde des subventions. Cette approche permet une première croissance, mais crée aussi des entreprises peu compétitives, protégées de la concurrence.
  • Années 1980-2000 : L’ouverture et la mondialisation. Influencée par la Banque mondiale et le FMI, la Tunisie réduit ses droits de douane, privatise, et crée des zones franches pour attirer les investisseurs étrangers. Résultat : les exportations industrielles (notamment dans le textile ou l’électronique) augmentent fortement.
  • Années 2000-2020 : intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Avec l’accord d’association signé avec l’Union européenne, la Tunisie investit dans ses infrastructures, soutient la recherche, et attire davantage d’investissements étrangers.
  • Depuis 2020 : cap sur l’innovation et le développement durable. Le pays mise désormais sur la transition numérique, les énergies renouvelables et la recherche-développement. Objectifs affichés : moderniser l’appareil productif, réduire la consommation d’énergie fossile, et favoriser les synergies entre entreprises, universités et centres de recherche.

Pourquoi faut-il moderniser aujourd’hui ?

Plusieurs obstacles freinent aujourd’hui le développement du secteur industriel tunisien. Ces difficultés, bien connues des acteurs économiques, expliquent pourquoi la modernisation est devenue un impératif.

Parmi les principaux freins identifiés, on retrouve :

  • Un tissu industriel trop fragmenté : La majorité des entreprises sont de petites ou moyennes tailles, souvent peu connectées aux chaînes de production mondiales et utilisant des équipements dépassés.
  • Des infrastructures limitées : Le coût de l’énergie, le manque de logistique moderne ou encore des technologies obsolètes freinent la compétitivité.
  • Des blocages administratifs. Les procédures sont longues, les réglementations parfois inadaptées aux besoins des entreprises.
  • Un manque d’investissement dans la recherche et l’innovation : Sans financement suffisant, difficile pour les entreprises d’innover et de se digitaliser.

À cela s’ajoutent des chocs extérieurs : révolution de 2011, COVID-19, flambée des prix des matières premières, changement climatique… L’industrie tunisienne a été bousculée à de nombreuses reprises. Pour faire face à ces aléas, elle doit devenir plus résiliente, c’est-à-dire capable de s’adapter rapidement aux crises.

Mais ces défis sont aussi une formidable opportunité pour repenser notre modèle industriel.

Une industrie moderne, pour quels bénéfices ?

La modernisation industrielle présente plusieurs avantages majeurs :

  • Des emplois de meilleure qualité. L’usage des nouvelles technologies crée une demande pour des postes qualifiés et mieux rémunérés, en particulier pour les jeunes diplômés.
  • Une productivité plus forte. En intégrant des machines automatisées, en numérisant les processus ou en adoptant l’intelligence artificielle, les entreprises produisent plus vite, mieux, et à moindre coût.
  • Plus d’exportations. Une industrie modernisée est mieux armée pour répondre aux normes internationales, ce qui ouvre des marchés à l’étranger.
  • Des investissements étrangers plus importants. Les entreprises étrangères cherchent des pays où l’industrie est efficace, connectée, et soutenue par des politiques publiques claires.
  • Moins de dépendance aux importations. En produisant plus localement, la Tunisie renforce sa souveraineté économique.
  • Un impact environnemental réduit. L’adoption de technologies propres, le recyclage et l’économie circulaire permettent de concilier industrie et écologie.

Que faut-il mettre en place ?

Pour que la modernisation devienne une réalité concrète et pas seulement une ambition, plusieurs leviers d’action doivent être activés. Ils concernent aussi bien l’État que les entreprises, les universités et les investisseurs.

Parmi les mesures les plus importantes, on peut citer :

  • Un soutien fort de l’État. Cela passe par des réformes, un cadre réglementaire modernisé, des incitations fiscales, une administration moderne et un investissement massif dans les infrastructures.
  • Des financements ciblés. Crédits d’impôt, prêts à taux réduits, subventions à l’innovation : autant de moyens pour encourager les entreprises à investir.
  • Des formations adaptées. Pour accompagner les transformations, il faut former les travailleurs aux nouvelles compétences de l’industrie 4.0 : automatisation, robotique, intelligence artificielle, gestion de la donnée.
  • Des partenariats public-privé. Le secteur privé est moteur : il faut donc faciliter les collaborations avec les pouvoirs publics, les universités et les organismes internationaux.

Une vision à long terme pour une industrie forte

La modernisation ne se fera pas en un jour. Mais plusieurs pistes peuvent dessiner une stratégie solide à long terme :

  • Développer des clusters industriels spécialisés, autour de pôles technologiques.
  • Promouvoir une économie circulaire, qui valorise les déchets et réduit l’impact environnemental.
  • Renforcer la coopération internationale, pour échanger savoir-faire et innovations.
  • Miser sur le capital humain, avec une formation continue tout au long de la vie.

 

Pourquoi c’est important pour nous tous

Moderniser notre industrie, c’est nous donner les moyens d’un avenir plus juste, plus innovant et plus souverain. C’est une décision collective, qui concerne chaque citoyen, chaque entreprise, et chaque jeune qui veut croire en un avenir meilleur ici, en Tunisie.

En s’appuyant sur ses atouts – ses zones industrielles, ses savoir-faire dans le textile, l’électronique ou la mécanique – la Tunisie peut relever ce défi, à condition de faire de l’industrie une vraie priorité nationale, partagée par tous.

Khalil Laabidi  – Conseiller en investissement/développement des affaires, Expert fiscal

Note d’Analyse

La réindustralisation en Tunisie - Modernisation et Relance

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