Dans un contexte où la promotion du travail décent et la garantie d’un salaire équitable deviennent des priorités, la nouvelle loi encadrant les contrats de travail et interdisant la sous-traitance de main-d’œuvre, marque une avancée majeure vers un respect effectif du droit au travail dans des conditions dignes.
Cette réforme s’inscrit dans une politique sociale proactive et cohérente de l’État, en accord avec ses engagements internationaux ; notamment les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), et les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030, en particulier :
- Objectif 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.
- Cible 5.8 : Assurer l’égalité salariale et l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, y compris pour les jeunes et les personnes en situation de handicap.
- Objectif 10 : Réduire les inégalités et garantir l’égalité des opportunités.
De l’interdiction de la sous-traitance à l’encadrement des prestations : une nouvelle approche
La loi propose d’interdire les sociétés de sous-traitance de main-d’œuvre, souvent utilisées pour contourner les obligations légales du travail, au profit d’établissements de prestation de services ou d’exécution de travaux. Ces structures relèvent du Code des obligations et des contrats et opèrent dans le cadre de contrats conclus entre deux entreprises, l’une exécutant des prestations pour l’autre, à condition que celles-ci ne relèvent pas de l’activité principale ou permanente de l’entreprise cliente.
L’objectif est d’établir une relation équitable et transparente entre le travailleur, l’employeur réel et l’entreprise bénéficiaire, en éliminant les formes d’emploi déguisé ou abusif.
Des défis d’application sur le terrain
L’application concrète de la loi soulève néanmoins plusieurs interrogations. Ce qui semble être une définition juridique claire peut prêter à interprétation, notamment dans le cas d’entreprises aux activités multiples ou implantées sur plusieurs sites. Par exemple, comment qualifier des prestations telles que le nettoyage ou la sécurité ? Relèvent-elles de l’activité principale ou non ?
En outre, des secteurs comme le bâtiment et les travaux publics, caractérisés par la diversité de leurs activités et l’évolution constante de leurs besoins, s’appuient sur des entreprises spécialisées pour des tâches spécifiques, souvent locales. Ces collaborations sont essentielles à la dynamique économique régionale.
Dans la pratique, ce modèle a favorisé l’émergence de milliers de petites et moyennes entreprises, consolidé le tissu économique local, soutenu l’emploi dans les régions et contribué à limiter l’exode rural. Certaines de ces entreprises sont même devenues compétitives à l’échelle internationale.
Une approche équilibrée est nécessaire
Il est essentiel de rappeler que les réglementations nationales et internationales en matière de marchés publics et privés ne s’opposent pas, en principe, à la sous-traitance. Elles encouragent même, dans certains cas, l’implication d’acteurs locaux, dans une logique de transfert de compétences et de développement durable. Dès lors, une interdiction généralisée de la sous-traitance de main-d’œuvre pourrait engendrer des effets contre-productifs : baisse des recettes fiscales, augmentation du chômage et perte de revenus pour de nombreuses familles.
Les contrats de prestation de services : une nécessité organisationnelle et une réalité de terrain
Les contrats de prestation de services ou d’exécution de travaux constituent une réponse concrète aux besoins de flexibilité dans la mise en œuvre des projets. Ils permettent une meilleure maîtrise des coûts et assurent la qualité des réalisations. En parallèle, ils offrent aux petites entreprises la possibilité d’acquérir de l’expérience et de se positionner sur le marché, à condition de garantir les droits des travailleurs.
Pour encadrer ce dispositif de manière efficace, le projet de loi prévoit plusieurs garanties :
- Un capital minimum exigé pour les établissements prestataires ;
- Des qualifications requises pour leurs dirigeants ;
- Une obligation de déclaration détaillée à l’inspection du travail ;
- La garantie d’un salaire équitable et de conditions de travail respectueuses.

Des garanties financières à calibrer avec justesse
L’une des dispositions les plus controversées concerne l’obligation d’une garantie financière destinée à couvrir les droits des travailleurs et les cotisations sociales. Bien que légitime dans son principe, cette exigence pourrait représenter une contrainte excessive pour les petites structures, d’autant que le texte ne précise ni le montant de la garantie, ni les modalités de restitution.
En réalité, ces entreprises disposent souvent de marges réduites et subissent des délais de paiement parfois supérieurs à un mois, ce qui complique leur gestion de trésorerie. Il serait plus pertinent de laisser aux entreprises bénéficiaires le soin d’estimer les garanties requises, tout en les rendant responsables en cas de défaillance.
Par ailleurs, mettre l’accent sur la qualité des prestations, plutôt que sur les seuls critères de prix, encouragerait un engagement plus sincère des entreprises clientes et favoriserait un climat de respect mutuel entre donneurs d’ordre et prestataires
Hamadi Chellouf – expert en ressources humaines
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Réforme du Code du travail : vers un emploi décent et une meilleure régulation des prestations de services