Comprendre les risques qui menacent nos céréales et nos olives

8 Min Lire

Pain, huile d’olive : ces aliments du quotidien sont plus menacés qu’on ne le pense. En Tunisie, les filières du blé et de l’olivier font face à de multiples dangers, liés au climat, à l’économie et à des fragilités structurelles. Une étude récente tire la sonnette d’alarme. Quels sont ces risques ? Qui est le plus touché ? Et surtout, comment mieux les anticiper ?

Imaginez une Tunisie sans son pain quotidien, ce pain si cher à nos traditions, ou sans cette huile d’olive dorée qui parfume nos plats les plus simples comme les plus raffinés. Cette image peut sembler extrême, mais elle n’est plus aussi lointaine qu’on pourrait le croire.

Le blé et l’olivier ne sont pas de simples cultures : ce sont deux piliers de notre agriculture, de notre économie rurale et de notre identité culinaire. Ils nourrissent nos familles, soutiennent des milliers d’agriculteurs et font vivre de nombreuses régions du pays. Sans ces productions, c’est tout un mode de vie qui serait mis en péril.

Des menaces bien réelles pour notre agriculture

Pourtant, ces deux filières stratégiques sont aujourd’hui confrontées à des menaces sérieuses. Une étude intitulée “Évaluation des risques dans les chaînes de valeur céréalière et oléicole en Tunisie”, menée conjointement par le ministère de l’Agriculture et la Plateforme pour la gestion des risques agricoles (PARM), a mis en lumière de profondes fragilités dans ces secteurs.

Elle alerte sur des vulnérabilités croissantes qui touchent à la fois la sécurité alimentaire et la stabilité économique des zones rurales. Son objectif est d’aider les décideurs tunisiens à mieux cerner les risques et à mettre en place des solutions concrètes pour les anticiper et les atténuer, notamment à travers des outils de gestion des risques agricoles capables de sécuriser les investissements et les revenus des agriculteurs.

Une agriculture sous pression

Le principal enseignement de cette étude ? L’agriculture tunisienne est de plus en plus exposée

Le principal enseignement de cette étude ? L’agriculture tunisienne est de plus en plus exposée à des risques cumulés : climatiques d’un côté, économiques de l’autre.

Sur le plan climatique, le pays subit des sécheresses de plus en plus longues et sévères, qui menacent la disponibilité en eau et affaiblissent les sols. La sécheresse n’est plus un épisode ponctuel, mais un phénomène qui s’installe dans la durée, perturbant les cycles naturels et la croissance des plantes.

Côté économique, les prix des intrants agricoles ; engrais, semences, produits phytosanitaires ; sont devenus instables et parfois inaccessibles. Lorsque les coûts explosent ou que l’approvisionnement se fait rare, les agriculteurs ont de moins en moins de moyens pour protéger leurs récoltes et assurer leur qualité.

Cette situation pèse lourdement sur les filières concernées, et notamment sur les acteurs les plus vulnérables, comme les petits exploitants et les collecteurs locaux.

.Les principaux risques pour les céréales

La filière céréalière, en particulier celle du blé, est très exposée aux aléas climatiques. L’étude identifie, pas moins de 26 risques systémiques, c’est-à-dire des risques capables d’impacter toute la chaîne de production, de la plantation à la récolte.

Parmi ces risques, trois sont particulièrement préoccupants :

  • Le raccourcissement du cycle de développement des cultures : les céréales ont moins de temps pour croître, ce qui peut nuire à leur rendement et à leur qualité nutritionnelle. Ce phénomène est lié aux températures élevées et aux sécheresses prolongées.
  • La sécheresse sévère à extrême : elle réduit considérablement la quantité et la qualité des céréales produites. Moins d’eau, c’est moins de grains… et donc moins de pain sur les tables tunisiennes.
  • L’avancement de la date de maturation : les céréales mûrissent plus tôt, parfois avant que les conditions soient optimales pour la récolte. Cela augmente le risque de pertes et complique la planification des agriculteurs. 

Les conséquences économiques peuvent être dramatiques. En cas de sécheresse grave, la production pourrait chuter de 372 000 tonnes, soit une perte estimée à plus de 470 millions de dinars. Dans les pires scénarios, cela pourrait dépasser 800 millions. C’est dire l’urgence d’agir.

Les vulnérabilités dans la filière oléicole

La production d’olives, et surtout d’huile d’olive, n’est pas épargnée. Elle subit elle aussi les effets du climat, avec deux risques majeurs :

  • La sécheresse : elle affaiblit les oliviers, réduit leur rendement et peut altérer la qualité de l’huile, qui reste l’un des produits phares de la Tunisie à l’export.
  • L’insuffisance de froid en hiver : un hiver trop doux peut empêcher la floraison des oliviers, limitant ainsi la production de fruits. Ce dérèglement favorise aussi l’apparition de maladies.

L’étude indique que les producteurs d’huile d’olive sont parmi les plus vulnérables, car ils dépendent fortement de l’équilibre climatique et disposent de peu de moyens pour faire face aux chocs. Une mauvaise campagne peut compromettre leurs revenus et affaiblir tout l’écosystème économique local.

Qui sont les plus touchés ?

Ce sont principalement les petits agriculteurs et les collecteurs locaux qui subissent le plus durement les conséquences de ces risques. Travaillant avec des ressources limitées, ils sont très exposés aux aléas climatiques et à la hausse des prix des intrants.

Dans la filière céréalière, cette double pression (climat et coût de production) fragilise toute l’activité. Dans l’oléiculture, ce sont surtout les producteurs d’huile d’olive qui souffrent d’un manque de moyens pour faire face aux changements, rendant leur situation encore plus précaire.

Quelles solutions pour mieux gérer ces risques ?

L’étude ne se contente pas d’alerter : elle propose aussi des pistes concrètes pour améliorer la résilience de l’agriculture tunisienne. Parmi elles :

  • Mettre en place des systèmes d’alerte précoce pour mieux anticiper les épisodes de sécheresse ;
  • Encourager la diversification des cultures, afin de ne pas dépendre uniquement des céréales ou des olives ;
  • Soutenir financièrement les agriculteurs, notamment face à la hausse des prix des intrants, à travers des subventions, des crédits adaptés ou des assurances agricoles ;
  • Renforcer les compétences des producteurs en matière de pratiques agricoles résilientes et durables.

Ces mesures visent à mieux protéger les agriculteurs, stabiliser la production et garantir la sécurité alimentaire du pays. La Tunisie, riche de son savoir-faire agricole, peut continuer à produire son pain et son huile d’olive, à condition d’adapter ses pratiques aux réalités du changement climatique et des marchés.

Consultez

“Etude d’évaluation des risques agricoles dans les chaînes de valeur céréalière et oléicole en Tunisie”

Partager cet article