Ce que les taxes américaines peuvent coûter à l’économie tunisienne

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Depuis avril 2025, les États-Unis ont pris une décision qui pourrait sembler lointaine, mais dont les conséquences se font sentir jusqu’en Tunisie : une taxe de 28 % a été imposée sur plusieurs produits tunisiens. Derrière ce chiffre, ce sont des filières entières qui sont menacées, des emplois fragilisés, et des choix économiques à repenser.  

Cette mesure s’inscrit dans une volonté des États-Unis de protéger leur production locale. Officiellement, il s’agit de renforcer leur économie, mais concrètement, cela signifie que des produits tunisiens comme l’huile d’olive, les dattes, les textiles, les engrais ou encore certaines pièces mécaniques deviennent brusquement plus chères sur le marché américain. 

Pourquoi est-ce un problème pour la Tunisie ? 

Les États-Unis ne représentent que 3,2% des exportations tunisiennes, un chiffre qui peut sembler marginal. Pourtant, les produits visés par la taxe ; comme l’huile d’olive, les dattes, les textiles ou les pièces mécaniques ; proviennent de secteurs clés pour l’économie du pays. Leur mise en difficulté pourrait avoir des effets bien plus larges qu’il n’y paraît. Si les acheteurs américains se tournent vers d’autres fournisseurs, comme le Maroc ou l’Égypte, la Tunisie risque de perdre des parts de marché précieuses. Et derrière cette perte apparente se cache une chaîne de conséquences : recul du chiffre d’affaires pour les entreprises concernées, suppressions d’emplois, pression sur le dinar, et perte d’attractivité aux yeux des investisseurs étrangers. En d’autres termes, une décision prise à l’étranger peut fragiliser tout un pan de l’économie nationale.  

L’Europe, un partenaire clé… mais fragile 

L’effet domino ne s’arrête pas aux États-Unis. La Tunisie est également très liée à l’Union européenne, qui représente près de 70 % de ses exportations et 43 % de ses importations. Or, l’Europe est elle aussi visée par les surtaxes américaines.

Si certaines industries européennes ralentissent, par exemple dans l’automobile, les sous-traitants tunisiens qui fabriquent des composants ou des pièces détachées peuvent en subir les conséquences. Et si les prix augmentent en Europe, cela aura un impact direct sur les produits que la Tunisie importe : matières premières, biens alimentaires, pièces électroniques… Autant d’éléments essentiels à notre économie quotidienne.

Ces effets indirects sont parfois invisibles, mais bien réels. Ils montrent à quel point une économie peut être affectée par des décisions prises à des milliers de kilomètres.

 Une vulnérabilité qui oblige à changer 

 La Tunisie n’est pas seule à être touchée par cette vague protectionniste. D’autres pays comme Bahreïn ou l’Irlande en subissent aussi les conséquences, avec leurs exportations d’aluminium ou de médicaments. Mais cette situation souligne surtout une fragilité structurelle : une dépendance excessive à un nombre limité de partenaires économiques.

Quand on concentre ses échanges commerciaux sur quelques marchés, chaque choc extérieur devient une menace. Et dans un monde aussi instable, c’est une position risquée.

Cette crise est donc l’occasion de poser une question essentielle : et si la solution consistait à mieux diversifier nos partenaires et nos débouchés ?

 S’ouvrir à d’autres marchés, renforcer le local

Diversifier, cela signifie se tourner vers d’autres pays, notamment en Afrique, dans le monde arabe ou en Asie. Cela veut aussi dire renforcer les relations commerciales régionales et chercher à mieux exploiter les opportunités économiques proches de chez nous.

Mais la diversification passe aussi par le développement du marché intérieur. Mieux produire, mieux transformer, mieux vendre ici, en Tunisie, c’est une manière de réduire notre dépendance aux marchés extérieurs. Cela implique d’investir dans la qualité, l’innovation, et la valeur ajoutée.

L’économie locale peut devenir une force si elle est soutenue, modernisée et connectée aux enjeux d’aujourd’hui, comme l’agriculture durable, l’économie circulaire, ou encore l’énergie renouvelable.

Face aux réactions internationales, les États-Unis ont décidé de suspendre cette surtaxe pendant 90 jours. Une pause temporaire, certes, mais une fenêtre de tir précieuse.

Ce répit doit être utilisé intelligemment. Il ne s’agit pas de souffler un instant pour revenir au statu quo, mais de profiter de ce moment pour préparer l’avenir. Cela passe par :

  • L’amélioration de la qualité des produits tunisiens,
  • L’innovation dans les modes de production,
  • La montée en gamme des exportations,
  • Le développement de nouveaux marchés.

C’est aussi l’occasion de réaffirmer notre stratégie régionale, de renforcer nos accords commerciaux avec les pays voisins, et de miser sur des filières plus résilientes.

S’adapter pour rester maître de son destin

Cette crise n’est pas une fatalité. Elle est un signal d’alerte, mais aussi une chance de se réinventer. Pour cela, la Tunisie devra miser sur sa capacité d’adaptation, sur la diversité de ses talents, sur ses ressources agricoles, industrielles et humaines. Devenir moins dépendant, plus agile, plus stratégique : voilà ce que cette période nous oblige à faire.

Au fond, cette taxe n’est qu’un symptôme. Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à maîtriser notre avenir économique, sans être à la merci des décisions des grandes puissances.

 

Zaid Alshaalan  – Chercheur, analyste en géopolitique et en recherche

Note d’analyse

Note Taxes USA

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